Premier jour d’écriture
Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.
Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.
De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends la patience, l’infinie patience. ».
L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »
Deuxième jour d’écriture
Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.
Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.
De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends la patience, l’infinie patience. ».
L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »
Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.
Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.
Troisième jour d’écriture
Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.
Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.
De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends la patience, l’infinie patience. ».
L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »
Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.
Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.
J’ai cherché à savoir. Et me suis rendu dans les villages voisins, où j’ai posé quelques questions. Là, dans ces paysages muets qui bordent le lac, les cœurs sont rudes, les yeux se détournent, les épaules se haussent, les pas sont trop pressés : on me dit ne pas connaître l’homme. Pourtant moi qui l’ai vu de près, je sais qu’il est leur semblable. Cependant me saute aux yeux, une probable différence : je ne sens pas, ici, de propension à un tel chagrin.
Car, c’est bien un chagrin qui habite cet homme.
Quatrième jour d’écriture
Il y a depuis quelques jours, au beau milieu du lac salé, une barque. Un homme est à bord, qui a laissé filer sa canne. Chacun sait ici, qu’il n’y pas de poisson. La plupart des villageois alentours rient, certains sourient, d’autres – chez qui la superstition n’est pas éteinte – veulent bien croire encore au miracle, que peut faire l’homme.
Mais celui-ci ne prend rien. Ni menu fretin.
De temps à autre, le pêcheur débarque pour quelques provisions. Un villageois l’autre jour a osé l’interroger. Il s’est entendu répondre, très calmement : « J’apprends la patience, l’infinie patience. ».
L’autre pensa : « Dieu, que l’homme est stupide avec sa nature ! »
Puis, l’homme retourne sur sa barque. Il reprend sa posture de pêcheur. Et jette son fil à l’eau. Ceux qui sont bons observateurs le voient de temps en temps écoper. Ils s’interrogent. Puis passent à autre chose.
Pour qui sait, l’homme pleure d’abondantes larmes dont il remplit le lac salé.
J’ai cherché à savoir. Et me suis rendu dans les villages voisins, où j’ai posé quelques questions. Là, dans ces paysages muets qui bordent le lac, les cœurs sont rudes, les yeux se détournent, les épaules se haussent, les pas sont trop pressés : on me dit ne pas connaître l’homme. Pourtant moi qui l’ai vu de près, je sais qu’il est leur semblable. Cependant me saute aux yeux, une probable différence : je ne sens pas, ici, de propension à un tel chagrin.
Car, c’est bien un chagrin qui habite cet homme.
Une légende est en train de s’écrire ; et à l’écriture de laquelle, je veux pouvoir contribuer.
Le chagrin n’est-il pas universel, qui voudrait que tous les hommes puissent en parler. Pour mieux le conjurer.